Les laboratoires de la subversion - L'aventure du Nouveau roman entre philosophie et littérature

Les laboratoires de la subversion - L'aventure du Nouveau roman entre philosophie et littérature
Photo Steve Johnson

Le cours s’attachera à poser la question des rapports entre philosophie et littérature. La philosophie n’a pas un lien nécessaire à la littérature (Socrate n’était-il pas « celui qui n’écrit pas », selon le mot de Nietzsche ?) et une bonne part de la production philosophique est notoirement indigeste au point de vue littéraire. Il n’est donc pas du tout évident que la philosophie ait à se préoccuper de littérature, pas plus qu’il n’est évident que la littérature ait à se préoccuper de philosophie. Pourtant, au vingtième siècle, un certain nombre de romanciers et de théoriciens du roman ont affirmé qu’il existait un lien étroit entre littérature et philosophie. Ce lien est affirmé très explicitement par Marcel Proust, par exemple. Dans la deuxième moitié du vingtième siècle, un ensemble de romanciers qui se reconnaissaient sous l’étiquette du Nouveau roman ont expérimenté des formes romanesques jusqu’alors inédites qu’ils ont souvent justifiées par des considérations philosophiques. L’un des théoriciens du roman qui a joué un rôle central dans les débats qui eurent lieu alors est Mikhaïl Bakhtine (1895-1975). Ce dernier a développé le concept de « polyphonie » pour rendre compte de ce que le romancier peut réaliser dans un roman. Il oppose la polyphonie au discours qu’il nomme « monologique » (discours articulé autour d’une logique unique) des savoirs. Seul le roman (et à partir d’une certaine époque) est parvenu à dépasser le discours monologique pour faire sa place à la polyphonie, affirme-t-il. Le roman acquiert, de ce fait, une fonction particulière dans le champ de la culture, une fonction qu’aucune autre forme artistique ne peut avoir. Or, cette fonction (représenter la polyphonie du monde) est précieuse pour la philosophie pour autant que celle-ci se veut réaliste. D’après Bakhtine, il en résulte que le roman constitue un outil fondamental de la philosophie. Mais, si la philosophie peut devenir un outil pour le philosophe, de quel genre d’outil s’agit-il ? Comment faut-il comprendre cette fonction ? Est-ce parce que le roman fournit des « exemples » de thèses philosophiques, des sortes d’illustrations de ce que ces thèses affirment ? Est-ce parce que le roman fait lui-même saisir des problèmes philosophiques qui passeraient inaperçus sans lui ? Est-ce parce qu’il n’est tenu par aucune règle prédéfinie ? Est-ce pour une autre raison encore ? Nous examinerons les thèses qui ont été développées par Bakhtine et d’autres pour rendre compte de ce qui, dans un roman, peut intéresser la philosophie.

Département de philosophie de l’Université de Tours
Les laboratoires de la subversion, l'aventure du Nouveau Roman