Cours "Philosophie des sciences de l'homme"
Le roman comme instrument de connaissance (10 séances)
Dans son livre, L’art du roman, Milan Kundera avance la thèse selon laquelle la civilisation occidentale ne s’est pas développée seulement dans le sens d’une connaissance objective des choses, guidée par la démarche scientifique, mais aussi dans le sens d’une connaissance du « monde de la vie » (une notion empruntée au philosophe Edmund Husserl). Cette seconde connaissance serait obtenue au moyen du roman, une invention européenne contemporaine de la révolution scientifique. Le roman serait ainsi un authentique instrument de connaissance de soi, au même titre que le télescope est un instrument de connaissance du monde céleste. Marcel Proust exprime une conception semblable de la littérature romanesque lorsqu’il écrit, à la fin de A la recherche du temps perdu, parlant des futurs lecteurs de son livre : « ils ne seraient pas, selon moi, mes lecteurs, mais les propres lecteurs d’eux-mêmes, mon livre n’étant qu’une sorte de verre grossissant (…) grâce auquel je leur fournirai le moyen de lire en eux-mêmes. »
Dans ce cours, nous examinerons cette littérature (le roman comme connaissance de soi) en la mettant en relation avec les réflexions et les travaux de quelques philosophes. Nous suivrons le développement de la notion moderne de « moi » dans la philosophie contemporaine : qu’est-ce que le moi ? Existe-t-il, en chacun de nous, plusieurs « moi » distincts ? Si c’est le cas, qu’est-ce qui commande leur apparition successive ? Et que devient, à travers ces « moi » changeants la notion de personnalité ? Qu’est-ce que la neurobiologie contemporaine a à dire sur cette question ?